LE 2 JANVIER 1891
LE JOUR OU LA CLASSE OUVRIERE COGNACAISE VA PRENDRE SON AVENIR EN MAIN.
1891 est une année importante pour la classe ouvrière Cognaçaise et a incontestablement marqué l’histoire du monde ouvrier du Cognaçais, de la Charente et, s’il est possible, hors de la Charente.
En effet, la grève des ouvrier-e-s verrier-e-s de l’entreprise Claude Boucher est la première grève répertoriée et des plus importantes par son ampleur et sa durée (9 mois de janvier à aout).
Cette grève va s’avérer être d’une importance toute particulière pour le syndicalisme.
Ce mouvement va permettre, dans un premier temps, de réactivé le syndicat vieux de 1833 (A noter que ce syndicat a été créé pendant la LOI Le Chapelier qui interdit toute coalition des métiers et le droit de grève, Loi renforcée par le Code Pénal Napoléon 1er qui prévoit des peines de prison pour toutes infractions), mais surtout contribuer à l’organisation et au développement du syndicalisme Cognaçais.
Si la grève des ouvrier-e-s verrier-e-s pris fin par la décision de leur patron, Claude Bouchet, de fermer son usine, pour ouvrir avec les non grévistes un four à pot à quelques kilomètres de là, d’autres mouvements de durée plus réduite connurent, à la suite de l’exemple laissé par la lutte des verrier-e-s, des résultats appréciables pour les ouvriers.
Cette grève va susciter la création de nouvelles organisations syndicales qui se constituèrent en chambres syndicales, et se regroupèrent en une Union Fédérative des Chambres Syndicales Ouvrières de l’Arrondissement de Cognac (Origine de l’Union Locale de nos jours). Cette union préludera à la création de la Bourse du Travail de Cognac le 13 mars 1892 (La Bourse du Travail de Cognac est l’une des cinq première Bourse de travail de France).
Dans son rapport annuel au Préfet, le sous-préfet Cruchon souligne que si la grève des ouvriers verriers fut à l’origine de l’organisation des syndicats ouvriers du Cognaçais et de la création de la Bourse du Travail, il ne pouvait que se féliciter des résultats auxquels trois autres mouvements étaient parvenus.
Et le sous-Préfet de poursuivre :
«Si là s’étaient bornées les conséquences de l’agitation des ouvriers verriers, on n’aurait qu’à se louer de voir se développer dans la classe ouvrière de Cognac, l’esprit d’initiation et de solidarité; malheureusement les fausses doctrines du socialisme se sont en même temps propagées et l’on ne saurait dire aujourd’hui le nombre d’ouvriers gagnés aux dangereuses théories du communisme et de l’anarchie».
1895 L’EMANCIPATION GAGNE
Quelques années plus tard en 1895, d’autres verrier-e-s vont également être précurseurs et précurseuses dans le syndicalisme. Ces ouvrier-e-s verrier-e-s sont confronté-e-s à un patron tout aussi intransigeant que Claude Boucher.
Eugène Rességuier, patron de la verrerie Sainte Clotilde, décide de rentrer en lutte contre le courant socialiste développé à Carmaux.
En mai 1895, profitant d’un marché du verre difficile et d’une main d’œuvre abondante et disponible, il décide tout d’abord de baisser les salaires des souffleurs de verre et de leurs aides. Mais lorsque, le 30 juillet, il décide de licencier Marien Baudot « délégué du syndicat des verriers élu au conseil municipal de Carmaux » pour avoir participé au congrès de la Fédération du verre à Marseille dix jours auparavant, par solidarité, les verriers votent la grève à la quasi-unanimité.
Se plaçant en ardeur défenseur de sa classe, Eugène Rességuier remet en cause le droit de grève et la constitution du syndicat, et décide le 7 Aout le licenciement de tous les verriers et le lock-out de l’entreprise.
Dés lors, le conflit va prendre une dimension toute particulière.
Les ouvrier-e-s verrier-e-s grévistes doivent faire face à des pouvoirs publics acquis à la cause patronale. Ils subissent des vagues de répressions organisées par les juges, les patrons et le Préfet, afin de les obliger à cesser leur mouvement.
Face à leur détermination la répression va s’amplifier !
Voulant rouvrir son usine, les gendarmes accompagnés par le Préfet font le tour des maisons ouvrières pour les forcer à reprendre le travail. La main-d’œuvre recrutée dans d’autres départements est également escortée par les gendarmes.
Intransigeant, Rességuier refuse toutes propositions de règlement à l’amiable dès lors ce conflit est devenu le symbole de la lutte prolétarienne contre le patronat.
La grève des verriers de Carmaux concentrera tous les esprits. Tous les courants tant politiques que syndicaux se retrouvèrent d’une façon ou d’une autre impliqués.
Finalement le 9 novembre, Jean Jaurès annonce, au nom du comité de défense des verriers, la fondation d’une verrerie, ce sera la Verrerie Ouvrière d’Albi, VOA.
Ils seront aidés en cela par la toute jeune C.G.T., fondée lors du congrès de Limoges le 23 septembre 1895.
LIMOGES, LIMOGES LA ROUGE !
QUAND LES OUVRIERS PRENNENT LE POUVOIR.
Depuis le Moyen-âge, le Limousin est une province industrielle. Nous y trouvons des entreprises du cuir, du papier, du textile, de la métallurgie, des imprimeries, des tapisseries, des carrières et mines et des porcelainiers.
En 1837, il y a onze usines de porcelaine à Limoges avec 1200 salarié-e-s dont 200 femmes et enfants, entre 250 et 300 salarié-e-s dans des ateliers de décoration, un peu plus de 530 en fournée.
La ville de Limoges compte 29870 habitant-e-s et les porcelainier-e-s avec l’industrie du textile, les aigoulier-e-s (flottage du bois) forment l’essentiel de la classe ouvrière Limogeaise.
Limoges s’agite.
C’est en 1833 que les premières grèves font leurs apparitions. Le 13 septembre 5 usines de porcelaine sur 8 se mettent en grève pour la revalorisation des salaires. Cette grève s’achèvera en octobre par la satisfaction des revendications.
Un peu plus tard en 1837, un nouveau conflit va éclater. Ce seront 7 manufactures sur 11 qui se mettrons en grève, mais ce mouvement sera un échec avec la reprise du travail en Aout.
Loin de se résigner, la classe ouvrière va poursuivre son émancipation, et, en 1847, ce sont plus de 1 000 ouvrier-e-s qui vont assister à un banquet réformiste sous la présidence de Pierre Leroux et Théodore Bac. Quand, en 1848, la Révolution est proclamée, un Conseil administratif provisoire prend le pouvoir à Limoges. Dès l’annonce de l’abdication du roi, les ouvriers quittent leurs ateliers et se portent en masse sur la place de la liberté, des groupes parcourent la ville en chantant des hymnes révolutionnaires. Face au retour de la bourgeoisie, Limoges s’insurge, les ouvrier-e-s désarment la Garde Nationale mais l’armée intervient, occupe Limoges et procède à l’arrestation des membres du Conseil administratif provisoire.
Ce mouvement ouvrier vaudra à Limoges sa réputation de ville révolutionnaire. Limoges, « Rome du socialisme », « Limoges ville rouge ».
De 1848 à 1895, la classe ouvrières va mener nombre de combats, comme en Mai-Juin 1864 ou 4 000 porcelainier-e-s réparties dans 17 manufactures se mettent en grève ; la création de chambres syndicales, de l’Union fédérative des chambres syndicales qui regroupe 35 syndicats ; la création de la Bourse du Travail.
1905 GREVE INSURRECTIONNELLE DES PORCELAINIER-E-S.
En cette année, le climat social se détériore dans la porcelaine, mais également dans d’autre corps de métier, telles que celle des corsetières qui se battent pour la liberté de penser.
C’est dans ce contexte qu’un conflit éclate à l’usine Haviland, où les salarié-e-s demandent le départ du Directeur dénommé Penaud, qui est accusé d’exercer un droit de cuissage sur les ouvrières.
Les patrons ripostent par un lock-out qui affecte plus de 13 000 ouvrier-e-s. Face à l’intervention de l’armée, des barricades s’élèvent. La tension monte, les échauffourées sont de plus en plus fréquentes. Dans la nuit du 15 au 16 avril les armureries de la ville sont prisent d’assauts.
Un meeting est organisé par la CGT pour exiger la libération des ouvrier-e-s fait-e-s prisonnier-e-s. Face au refus du Préfet de recevoir une délégation, plus d’un millier de manifestants se présentent devant la prison et défoncent le vantail. L’armée intervient, une troupe de cavaliers charge la foule. Dans la fusillade, Camille Vardelle est tué, le 19 avril, 40 000 personnes assistent à ses funérailles.
Le 21 avril, s’ouvrent des négociations, le patronat accepte le renvoi de Penaud.
SYNDICALISME ET CULTURE
Pour les ouvrier-e-s, les périodes de non activité sont limitées, le seul repos dominical est souvent mis à contribution pour le bricolage ou le jardinage. De plus, le budget nourriture, habillement, logement, santé ne laissait que peu de place aux loisirs. Mais peu à peu, l’envie de se cultiver, de sortir du quotidien, de se divertir, gagne les classes populaires.
Fêtes de quartier, ducasses et autres divertissements sont les principaux loisirs plébiscités par les ouvrier-e-s, et un jour une invention va connaitre un véritable succès : le cinématographe.
Tout d’abord, ce sont des compagnies itinérantes qui vont de villes en villages proposer les représentations sous chapiteaux ou dans des salles louées, jusqu’au jour où une rencontre va avoir lieu.
A cette époque, le syndicat CGT des verriers est puissant et souhaite posséder son propre siège. La décision est donc prise de construire un immeuble qui sera également voué à la culture et aux loisirs.
Cet immeuble, qui sera inauguré le 26 janvier 1902, sera un outil syndical qui permettra de faciliter les réunions syndicales ou politiques, l’organisation de congrès tel que celui de la toute puissante Fédération Unitaire Nationale de l’Industrie du Verre en 1924.
Outre les réunions syndicales, « la maison du peuple » accueillera théâtre, concerts, bals, conférences, manifestations sportives.
Et le 23 novembre 1905, la première séance de Cinéma est proposée a ce qui deviendra l’Idéal Cinéma, appelé alors Splendid Cinéma…
Bien sur, l’arrivée d’un cinéma tenu par des syndicalistes déplait fortement aux politiques, aux bourgeois et aux patrons verriers qui ouvrent le 5 février 1910 le Royal Cinéma sur fond de rivalité, de lutte de classe…
CULTURE ET EMANCIPATION OUVRIERE !
Le bâtiment est également le lieu de convergence du syndicalisme, il abrite le bureau de l’union des syndicats CGT verriers d’Aniche, ainsi que la salle de réunion attenante.
C’est là que les militant-e-s verrier-e-s CGT peuvent se rencontrer, débattre, élaborer actions ou accords pour toujours et encore perpétuer les valeurs de la CGT.
Ici, on rêve encore d’égalité, de partage des richesses, de droits conquis.
Les valeurs humaines n’ont de cessé d’être au cœur de l’action des résident-e-s de ce bâtiment.
L’Idéal est encore et toujours un lieu où l’utopie est présente.
Après bien d’autres péripéties qui alimenteront son histoire, ce cinéma va perdurer dans le temps. Ce qui fait de ce cinéma ouvrier, toujours en activité, le plus ancien au monde.
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Ces quatre chapitres témoignent de la richesse de l’engagement des verrier-e-s et céramiste dans l’émancipation de la classe ouvrière dans l’engagement syndical.
Au travers de ces récits, vous avez probablement découvert une petite partie de l’histoire du syndicalisme des verrier-e-s et céramistes.
Une petite partie, car riche est l’engagement de ces femmes et hommes qui, au travers du temps, ont fait ce que nous portons historiquement.
Mais tous cela est une autre histoire, et si celle-ci vous intéresse nous vous invitons à rejoindre notre partenaire d’Institut d’Histoire Sociale.