Ruptures conventionnelles : 30% des salariés y sont contraints par leur employeur !
Près de 360.000 ruptures à l’amiable de CDI ont été signées en 2015. Le Centre d’étude de l’emploi a étudié les motifs, très variés, qui poussent les salarié-e-s à y recourir.
On n’en a jamais signé autant : près de 360.000 ruptures conventionnelles ont été homologuées en 2015. La barre des 2 millions depuis leur lancement en 2008 a, au passage, été franchie en octobre. Le succès de ces divorces à l’amiable version professionnelle, très prisés des TPE et PME pour leur simplicité et leur sécurité juridique, n’est plus à démontrer. Au point de faire grincer des dents certains syndicats, qui dénoncent des abus et détournements.
Une riche étude, publiée par le Centre d’étude de l’emploi et basée sur des données collectées en 2012 par la Dares (ministère du Travail) auprès de 4.500 salarié-e-s signataires d’une rupture, éclaire le débat sur les ressorts, complexes et variés, du consentement du salarié. Ce dernier oscille, résume-t-elle, « entre initiative, adhésion et résignation ».
Pour remplacer une démission
Certes, 57 % des ruptures sont à « l’initiative principale » du salarié. Mais dans plus de la moitié des cas, des conflits, ouverts ou latents, motivent son geste. La rupture vient alors clairement remplacer une démission, avec l’avantage d’ouvrir, elle, droit aux allocations chômage. C’est, de très loin, la première raison évoquée par les salarié-e-s (67 %) pour justifier de passer par une rupture conventionnelle, devant l’évitement du conflit (17 %). Faute d’obtenir une rupture conventionnelle, seul un salarié sur trois à l’initiative de la demande affirme qu’il aurait démissionné. Les autres, dont la part croît avec l’âge, n’auraient pas franchi le pas « malgré une importante souffrance au travail ou une forte envie de reconversion », pointe l’étude.
Quand l’employeur est à l’initiative principale, le premier motif qu’il avance au salarié est plus souvent économique que personnel et le dirigeant aspire en priorité à s’épargner un conflit. Constat qu’en tire l’étude : « Les raisons avancées par les salariés pour demander ou accepter la rupture correspondent rarement au modèle idéal du salarié qui connaît une mobilité voulue », de l’ordre d’un quart des cas. Près de 30 % des salarié-e-s interrogé-e-s en sont même ressorti-e-s avec le sentiment d’avoir été « contraint par l’employeur à quitter l’établissement ».
Diversité des situations
La conclusion qu’en tire l’étude illustre la diversité des situations, confirmant ainsi à la fois la pertinence du dispositif, « à la fois substitutif et facilitateur des ruptures de CDI », et les questions qui l’accompagnent. Dans la moitié des cas, la rupture conventionnelle « sécurise des ruptures qui auraient eu lieu », en « remplaçant avantageusement » une démission ou un licenciement. Dans l’autre moitié des cas, elle « facilite des ruptures dont les motifs ne sont pas clairement identifiables, ce qui soulève la question de sa contribution à l’évolution du chômage ».
Sont en particulier dans le viseur des syndicats les ruptures voyant des salarié-e-s proches de la soixantaine et leurs employeurs en faire « des préretraites déguisées sur le dos de l’Unédic ». Les partenaires sociaux ont convenu cet automne d’instaurer une cotisation sur les ruptures de conventionnelles de seniors, destinée à alimenter les caisses des régimes de retraite complémentaires. Les contours du dispositif doivent être discutées lors des négociations sur l’assurance-chômage qui s’ouvriront mi-février.