Cher Monsieur,
J’accuse réception de votre lettre ouverte datée du 23 décembre 2020, que vous avez choisi de diffuser à la presse et d’afficher aux salarié-es sur l’ensemble des sites de Verallia France. Je sais par votre passé chez Goodyear que vous privilégiez les lettres ouvertes aux discussions directes auxquelles ma culture méditerranéenne me prédispose.
Je ne souhaite pas pour ma part entrer dans un jeu de questions-réponses entretenant les polémiques, tout juste vous rappeler que les mobilisations sont massives et bien suivies par les salarié-es avec bien entendu le soutien de toute la CGT.
Vous rappeler aussi quelques faits incontestables concernant le rôle joué par notre organisation syndicale à Cognac et plus généralement à Verallia et dans l’industrie verrière et céramiste.
Notre organisations syndicale, ce sont avant tout des femmes et hommes salarié-es de leurs entreprises, attaché-es à leurs métiers (souvent pénibles) et soucieux de l’avenir de leur entreprise, de leurs emplois et de la vie économique et sociale du territoire dans lequel ils vivent avec leurs familles, à Cognac , comme à Albi et ailleurs.
Nous faisons donc intégralement partie de la communauté des salarié-es, qui sont aussi des citoyen-nes, attachée à l’intérêt général. Je partage avec vous le besoin de développer l’industrie, responsable socialement et écologiquement, car sans industrie et sans énergie, c’est l’affaiblissement de toute la chaine des valeurs.
Je ne partage en revanche pas du tout la stratégie usée et qui n’a jamais fait ses preuves, du “licencier aujourd’hui pour être compétitif et recruter demain”.
Cette stratégie est perdante dans tous les pays qui la permettent en s’attaquant au code du travail et aux droits des salarié-es. Le résultat c’est un affaiblissement industriel doublé d’un affaiblissement des exportations et de la balance commerciale.
La responsabilité des multinationales dans ce dogme est grande, celle des politiques qui les écoutent l’est tout autant. Affaiblir les capacités industrielles, de recherche et d’innovation en France, en faisant planer les menaces de fermetures de fours dans un avenir proche, est l’inverse de la stratégie gagnante que nous portons depuis plusieurs décennies à SGE et Verallia.
Pour rappel :
La CGT St-Gobain Emballage puis Verallia s’est toujours impliquée dans la stratégie économique, industrielle, sociale et désormais écologique de l’entreprise.
Des dizaines d’accords signés par la CGT dans les domaines aussi variés que l’investissement, l’économique, le droit syndical et bien entendu le social ont permis que notre organisation syndicale, s’appuyant toujours sur les salarié-es pour mieux les représenter, soit aujourd’hui reconnue et participe de façon active dans la vie des entreprises, à leur gouvernance comme par exemple dans les conseils d’administrations de grand groupe comme Saint-Gobain.
Vous n’êtes pas non plus sans ignorer qu’avant votre arrivée, la CGT Verallia a proposé un projet économique, capitalistique, social et écologique dans le cadre de la vente de Verallia par le groupe St-Gobain :
Nos propositions ont toutes été étudié-es et pour la plupart retenu-es, je vous en rappelle les principales :
– Maintien des centres de décisions et du siège social en France
– Accord de 5 ans pérennisant et grandissant les investissements sur tous les sites français
– Participation de 30% dans le capital de Verallia de la BPI, ramené à 10% par Apollo et St-Gobain (Banque Publique d’Investissement, qui malheureusement a oublié qu’elle devait être une Banque de la République)
– Participation des salarié-es dans le capital avec des administrateurs salarié-es (qui nous ont été accordé-es bien plus tard et qui font l’objet de discriminations dans leur mandat)
– Accord pérennisant l’ensemble des accords signés par la CGT et les autres organisations syndicales depuis St-Gobain Industrie, SGE, puis Verallia.
Avec Jean-Pierre Floris et les anciens de l’équipe St-Gobain nous avons poursuivi ce travail et ce dialogue constructif, notamment en signant un accord permettant de valoriser la prime de vacances à hauteur d’un mois de salaires et un pacte social pour anticiper les conflits sociaux dans les sites et lier augmentation des rendements avec une meilleure reconnaissance salariale et professionnelle.
Je regrette que ce pacte social n’ait pas été mieux concrétisé dans les sites avec notamment des formations et des adaptations en fonction de la culture et de l’histoire de chaque verrerie.
Il n’est d’ailleurs pas trop tard pour bien faire.
La CGT s’inscrit dans une longue tradition et histoire qui a permis par exemple la création de la verrerie coopérative d’Albi par les mineurs de Carmaux et Jean Jaurès, et ensuite son intégration dans le groupe Saint-Gobain.
C’est dans le respect de cette tradition que nous avons proposé à la nouvelle direction, en la personne de M Gianuzzi et vous-même, de poursuivre ce travail et d’oeuvrer à une nouvelle page de l’histoire de Verallia avec son projet d’introduction en bourse.
Le projet Jeroboam porté par la CGT et la CFE/CGC, est un projet social, économique, industriel et écologique en tous points de vue. Le sort que vous avez réservé à ce projet, prétextant les conflits sociaux, est révélateur d’une certaine conception du dialogue social : Je décide et vous appliquez, circulez, il n’y a rien à voir.
Même dans le dernier plan dit de compétitivité que vous mettez en place, la CGT a fait de nombreuses et pertinentes propositions pour notamment sauvegarder le four de Cognac, en construisant un four de moindre taille mais plus flexible en matière de production.
Cela aurait évité de nombreuses suppressions d’emplois et maintenu des capacités de production dans le terroir du cognaçais-bordelais.
Je pourrais moi aussi lister les nombreuses attaques verbales et écrites contre la CGT et ses militant-es, la volonté de sortir tel expert économique jugé trop proche de la CGT, de virer tel délégué syndical et des lanceurs d’alerte, d’affaiblir notre organisation en promouvant des “organisations plus conciliantes”, le manque de respect de la démocratie en contournant légalement la négociation par des décisions unilatérales. Je pourrais aussi lister les 24 accords signés par la CGT, que vous avez dénoncés en totalité.
Aucun accord, aucun article de ces accords n’a donc trouvé grâce à vos yeux?
Vous évoquez le caractère inéluctable de fermetures de fours, devant un marché qui serait totalement saturé et une France où le cout du travail serait trop élevé. Chez Good Year votre ancienne entreprise, selon l’ancienne direction, vous aviez aussi commencé par démanteler méthodiquement les droits des salarié-es pour en arriver à la fermeture, selon vous, « inéluctable ».
La justice vient de vous démentir en reconnaissant qu’il n’y avait aucune raison économique à la fermeture du site d’Amiens.
Elle vient de rétablir trop tardivement, hélas, les salarié-es dans leurs droits. L’entreprise, elle, est bien fermée, avec tous les dégâts humains, sociaux et territoriaux causés. Là-bas aussi vous avez souvent accusé la CGT et fait son procès pour diviser les salarié-es à coup de référendums et de menaces de licenciement pour justifier l’injustifiable.
Vous oubliez de préciser qu’un marché peut évoluer tout comme les habitudes de consommations et la demande de verre d’emballage.
Nous y œuvrons par de nombreuses propositions* comme celles que nous faisons par exemple dans le cadre de la future loi climat, avec notamment l’obligation d’imposer à la grande distribution, un volume très important de verre d’emballage recyclable dans l’eau, le soft drink et les vins et spiritueux.
Cela passe par une vraie filière de recyclage et donc des investissements de la part des pouvoirs publics mais aussi de la part des grands groupes verriers. Nous sommes également intervenus dans le débat sur la bouteille consignée, mais aussi sur la responsabilité sociale et notamment la proposition de GPEC de branche. Bref des propositions macro et micro, nous en avons, ils nous manquent les interlocuteurs pour y travailler.
Vous accusez dans cette lettre, la CGT de Cognac et les grèves actuelles d’être responsables de la désaffection des clients vers d’autres concurrents, dits étrangers, alors qu’il s’agit dans le cas que vous évoquez du groupe Owens-Illinois verrier implanté en France. Certes, O-I, réduit ses effectifs (et c’est tout aussi condamnable) mais il inaugure un four nouveau à Gironcourt alors que vous en fermez un à Cognac.
Je vous rappelle surtout que les décisions de vos clients de diversifier leurs approvisionnements datent d’avant l’annonce du plan de destructions d’emplois à Cognac et donc avant les grèves actuelles et légitimes des salariés.
Je vous rappelle aussi que Verallia est international, tant par la composition de son capital que par ses marchés et ses salarié-es et que malheureusement ses centres de décisions sont plus proches du Duché du Luxembourg que de Courbevoie.
Vous faites la comparaison entre les différents syndicats CGT (National, Albi, Cognac), la CGT est diverse, c’est vrai mais elle est unie et solidaire. D’ailleurs la CGT Verallia Cognac est ouverte à un dispositif semblable à celui d’Albi, et qui éviterait tout licenciement sec. Au passage, à Albi il aura fallu des mouvements de grèves et la sommation de la Direcct pour que vous acceptiez de négocier sérieusement.
Est-ce aussi faire preuve de volonté de dialogue social, lorsque vous empêchez par vos directives, notre Secrétaire Général Philippe Martinez, de visiter la verrerie ouvrière d’Albi et de rencontrer la direction et les salarié-es, comme il l’a fait par exemple chez Owens-illinois à Vayres quelques jours plus tard ?
Au final et pour clore ce chapitre, Je ne veux pas penser que votre stratégie a été de tout mettre en œuvre pour détourner l’attention de vos actionnaires et les salarié-es des vrais enjeux et notamment des propositions audacieuses portées par la CGT.
Il est vrai que nos propositions ne placent pas prioritairement les résultats financiers pour les actionnaires. Des dividendes qui serviraient bien mieux le développement l’entreprise, l’investissement dans la recherche, le développement commercial, la réduction des gaz à effet de serre, le développement de la filière de recyclage, l’emploi en CDI et la formation, ce ne sont que quelques pistes que nous proposons, nous en avons beaucoup d’autres en réserves.
Je préfère croire que désormais vous êtes prêts à écouter et entendre les propositions que nous formulons. Ces propositions comme l’action que nous portons sont les fruits communs des salarié-es de Verallia, soutenus par leurs familles, les habitants de ces terroirs qui nous sont si chers.
Respecter les femmes et les hommes, c’est surtout leur laisser la possibilité de vivre de leur travail, dans leur lieu de vie. Tels sont nos objectifs même si nous pouvons comprendre que parfois certains actes sont regrettables, susceptibles de blesser et dépassent souvent les intentions de leurs auteurs.
Nous sommes favorables à renouer avec notre tradition de construire un dialogue social et plus largement des relations sociales basées sur la loyauté et le respect des différentes parties constituantes de l’entreprise Verallia.
Il y a un préalable à l’écriture de cette nouvelle page : La Confiance à recréer entre vous d’un coté et vos salarié-es représenté-es notamment par leur organisation CGT de l’autre.
Nous sommes prêts à élaborer un agenda social pour construire le pacte économique responsable socialement et écologiquement chez Verallia.
Nous pensons que ce pacte peut et doit faire référence dans le monde industriel et verrier. Cela passe par des signes clairs d’apaisement de votre côté comme du notre :
Nous vous proposons d’engager les discussions dans les formes qui vous conviennent notamment pour créer les conditions de zéro licenciement sec à Cognac, de récréer un climat de confiance à Châlon en abandonnant les poursuites contre les lanceurs d’alerte, d’engager des négociations pour un pacte de droits syndicaux, d’alarme sociale et d’amélioration des rendements, de pérenniser les investissements productifs par accord, de mettre en place un accord sur le CSE central respectant la représentativité et l’audience réelle des organisations syndicales.
Ce ne sont là que quelques pistes de travail pour recréer un climat et un environnement apaisés pour les salariés et le management national et local.
Notre disponibilité est totale tout comme notre engagement et notre détermination pour l’avenir de Verallia en France et de ses emplois.
Je vous souhaite de belles fêtes de fin d’année, mais mes pensées et mon soutien vont d’abord aux salarié-es et à leurs familles qui sont touché-es de plein fouet à Verallia et ailleurs par la violence des licenciements et de la perte des emplois qu’elles et ils subissent. Nous serons toujours à leurs cotés.
Bien à vous,
Mohammed Oussedik
Secrétaire général
* Voir notre plan d’avenir pour l’industrie du verre et de la céramique.